La vie nous réserve parfois des surprises qui nous rappellent à des combats que nous pensions presque dépassés.
C'est ainsi qu'à la vue de mes dernières petites lessives roses, je me souviens de ma rencontre avec Christine Fauré, féministe convaincue dont la démarche m'avait choquée à plus d'un titre.
Je suis en effet généralement assez éloignée des préoccupations relatives à la parité (que je juge plutôt néfaste pour des raisons que j'exposerai peut-être un autre jour), au voile (dont je me fiche au fond comme de ma première socquette) ou au rugby plus macho que le foot (clin d'oeil amusé à la copine Olympe).
Cela dit, la cause des femmes ne m'est pas complètement indifférente et j'ai toujours veillé à ne pas transformer mes filles en Barbies miniatures. A la maison, foin de froufrous, les gamines sont la plupart du temps et depuis toujours, vêtues de jeans, de T-shirt et de pull, les baskets étant généralement le point d'orgue de la tenue.
Sont-elles devenues pour autant et à tout jamais de robustes camionneuses ? Loin s'en faut. Aujourd'hui, hormis le fait qu'elles subtilisent trop fréquemment mes quelques babioles-bonne-mine et qu'elles passent trop de temps à mon goût devant le miroir au lieu de manœuvrer l'aspirateur à ma place, je regarde leur jeune féminité qui s'exprime à travers certains accessoires d'un oeil plutôt attendri.
J'ai donc ancré ma conviction de départ : en ne cantonnant pas les fillettes dans un rôle de jolies poupées, on peut non seulement leur apprendre qu'elles n'ont rien à envier à leurs mâles camarades et leur conserver toute la grâce qui fait la différence entre un homme et une femme.
Car en cela, je rejoins Eliette Abecasis qui déclara à la sortie de son livre "Le corset invisible" :
"Pour libérer la femme, il ne faut pas essayer de copier l’homme ni de le voir comme un adversaire. Libérons la femme par sa féminité, sinon l’homme restera le grand gagnant du féminisme…"
"La thèse soutenue évoque certaines conséquences paradoxalement négatives de la libération de la femme. En effet, le corset, symbole explicite de l’emprisonnement du corps et de l’aliénation de la femme et arraché grâce à la lutte efficace des féministes, s’est transformé en contraintes impalpables, invisibles, mais bien réelles : pression d’une esthétique corporelle figée et exigeante, association moderne des tâches traditionnelles et professionnelles, persistance des mythes fondateurs (le mariage, la maternité, la grand-mère)." Evene
Si j'approuve le fait que la femme peut gagner plus de liberté encore en assumant sa féminité et sa différence sans se laisser enfermer dans un dogme "féministe" que je juge dépassé, je suis également d'accord avec le point de vue de Bourdieu exprimé lors d'une Interview avec Télérama :
"C'est très difficile de se comporter correctement quand on a une jupe. Si vous êtes un homme, imaginez-vous en jupe, plutôt courte, et essayez donc de vous accroupir, de ramasser un objet tombé par terre sans bouger de votre chaise ni écarter les jambes... La jupe, c'est un corset invisible, qui impose une tenue et une retenue, une manière de s'asseoir, de marcher. Elle a finalement la même fonction que la soutane."
Aussi, quelle ne fut pas ma stupéfaction, voire mon abattement, quand je dus intégrer à mes lessives quotidiennes, les tenues d'une petite personne de 6 ans tout récemment incluse à mon cheptel de gosses : pantacourts roses, gilets roses, jupettes roses, T-shirt et chaussettes roses, culottes roses ...
De la même manière, je ressentis une vague vague de colère quand je constatai, alors que nous étions au parc et que les garçons courraient en tous sens, tentaient de grimper aux arbres ou pataugeaient dans la bouillasse, que la mignonne était condamnée à les regarder de loin pour cause de ballerines dorées ou de mocassins roses....
"Les injonctions en matière de bonne conduite sont particulièrement puissantes parce qu'elles s'adressent d'abord au corps et qu'elles ne passent pas nécessairement par le langage et par la conscience" Bourdieu
"Du côté des petites filles, paru il y a trente ans, rencontra un vif succès auprès de tous ceux que préoccupaient l’éducation et les relations homme/femme. L’ouvrage dénonçait l’oppression dont les petites filles étaient l’objet et imaginait possible leur libération, en modifiant « les structures psychologiques ». Postulant la nature sociale de cette fameuse différence des sexes, c’est à une démonstration idéologique que s’emploie alors Elena Gianini Belotti.
La thèse d’Elena Gianini Belotti a eu le mérite, dans son excès, de parier sur une évolution sociale et familiale qui amènerait la petite fille à faire un choix plus libre, moins sur le mode œdipien de l’identification."
Une évolution sociale et familiale dont j'ai soudain fortement douté en enfournant dans le lave-linge ma petite lessive rose minutieusement séparée des jeans foncés et serviettes blanches alors même que les jeunes hommes présents à l'émission de David Abiker me semblaient faire partie de ces trentenaires prêts à refuser le piège des marketeux ...
12 commentaires:
Me voilà commentant ici. Sur un sujet qui me concerne. Et je ne peux en effet que constater l'évidence.
Je conçois cependant aisément que ce conformisme sexiste - bien formulé par vous, tendre et lucide Hypos - révèle certaines des raisons profondes qui m'ont fait quitter la mère de cette petite fille qui est la mienne et qui a d'ailleurs bien de la chance de vous côtoyer aujourd'hui.
Il n'en demeure pas moins, pour nos jeunes générations, que l'heure est à la reprise de conscience, ce que vous ne vous risquez pourtant pas à proposer. Ne soyez pas abattue !
Voilà un billet qui me concerne de très loin. Disons que quand on a des machines à laver entières de rose / orange / rouge ça ne délave pas sur le reste, c'est bien pratique, ça craint rien et ça pourrait faire rugby.
Que voila un billet féministe de ceux que j'aime, ni trop, ni pas assez, avec maestria.
Enchanté d'avoir pu mettre hier un visage sur ce blog.
Il suffit de jeter un oeil sur les catalogues de jouets qui atterrissent déjà dans nos boîtes aux lettres pour constater que ça n'est pas gagné. Aux pages filles: dinette & aspirateurs, et du rose en veux-tu en voilà!
@Werner
D'une certaine manière, ce billet est un appel à la prise de conscience : à force d'avoir les choses "sous le nez" on a parfois du mal à les voir ;) Si nous pouvions tous régulièrement reconsidérer nos façons d'agir avec un peu d'objectivité, je suis certaine que nous serions tous consternés de voir à quel point nous nous formatons nous-mêmes.
@FredericLN
J'entends bien que la jupette rose puisse te laisser froid :-) Cela dit, on peut aussi extrapoler dans d'autres domaines et déterminer ce qui fait partie du choix assumé à la différence et ce qui fait partie des comportements conformistes intégrés.
@Poison-social
Merci pour le compliment et moi aussi j'ai été très copntente de mettre un visage sur un certain poison :-)
@Des fraises et de la tendresse
En ce qui me concerne, j'adore qu'un homme ait un nom de blog comme le tien et je ne me ferais pas trop de soucis si beaucoup faisaient comme toi, en renversant un peu les codes traditionnels :-)
Complètement d'accord avec Des Fraises et De La Tendresse, le conditionnement commence très tôt...déjà dans les publicités, si l'on arrêtait de ne voir que les femmes manipulant aspirateurs ou fers à repasser...
@Nemo
Je me dis que, bien plus subtilement et donc dangereusement, ce sont les mères elles mêmes qui continuent d'entretenir une image de la féminité trop liée à la contrainte et aux interdits.
La féminité n'exclue pas la liberté de bouger, de rire, de pleurer ou de se mettre en colère. Elle n'exclue pas non plus de porter des jeans et des tshirts bleus ni d'avoir les cheveux courts ou les mèches au vent.
@Paul Laurendeau
Merci pour ce lien vraiment très intéressant que je m'en vais mettre sur twitter directement pour le faire partager ;)
Tu parles d'une nouveauté, le féminisme de droite!!!
Il y a TOUJOURS eu un féminisme de droite, un féminisme des classes sociales supérieures. C'est même elles qui ont commencé à faire du bruit, les autres, trop écrasées sous les lessives, la marmaille, le boulot (gratuit), soit elles avaient même pas le temps d'y penser, soit personne les écoutait.
C'est un peu plus compliqué pour les femmes que pour les hommes, souvent elles appartiennent à la classe sociale de leur mari, plus de mari, plus de classe sociale et elles se retrouvent au smig, déclassées. Elles peuvent aussi grimper de classe, en épousant le bon mec (et en le gardant). Et il y a aussi des soucis qui sont ceux de toutes les femmes, quelle que soit leur appartenance de classe et sa précarité.
Du coup, normal, le féminisme est désordonné. Faut-il s'en plaindre? Moi, je suis pour la bio-diversité.
@Cultive ton jardin
Moi aussi je suis pour la bio-diversité et ok avec ton commentaire ;)
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Sincère félicitation pour votre site, c'est un réel plaisir que de le parcourir. Surtout continuez ainsi. Je vous remercie pour ce magnifique partage.
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