vudemafenetre

jeudi 28 mai 2009

Après la "guerre de la toile", "l'union sacrée" ?


Au-delà de quelques faits divers qui ont déjà buzzé sur la Toile, le statut des travailleurs du Net pose un véritable problème. Et en tout premier lieu, celui des journalistes attachés à des titres de presse.


Dans Causeur, Elisabeth Levy pose tout de go le sujet dans un article intitulé "donné, c'est volé".

Racontant avoir accepté de participer gratuitement à une émission de télé, elle explique la colère qu'elle a ressentie contre elle-même (" j’avais piteusement laissé choir mon fromage et oublié mon principe cardinal : pas de travail non rémunéré." ) :

– Je vais venir mais je vous préviens, ça me met hors de moi de travailler sans être payée.
– …
– Vous, vous êtes payée, non ?
– Euh… oui, mais moi je suis salariée de la chaîne.

Que n’avait-elle dit là ! Elle a pris pour tous les autres : les présentateurs payés des fortunes qui vous expliquent que pas d’argent, les jeunes crétins qui vous font comprendre qu’ils vous font un grand honneur de vous inviter sans avoir une traitre idée de la raison de cette invitation, sans oublier tous les confrères qui, à force d’accepter avec le sourire cette exploitation éhontée, ont fini par la faire passer pour normale.
Après quoi, E.Levy développe quelques arguments qui font poids. En voici quelques morceaux choisis.
La gratuité n’est plus une exception et que, dans certaines activités, elle est même en passe de devenir la règle. Grâce à Internet, elle serait même, s’enthousiasment certains, le fondement d’une nouvelle “culture” – rien que ça. [...]
En tout cas, grâce aux hadopistes, l’idée que la création artistique est un travail qui mérite salaire fait son chemin [...] Mais tout le monde continue à trouver absolument normal que, sur Internet, l’information soit cadeau. [...]

Un article demande autant de travail, qu’il soit destiné à être publié dans un journal ou sur Internet. [...]

On ne m’enlèvera pas de l’idée que la valeur qu’une société accorde au travail intellectuel dit, au moins en partie, la vérité sur cette société. [...]

Sauf qu’à force de croire et de faire croire que ce travail n’a aucune valeur, plus personne ne voudra s’y coller. Et nous serons tous perdants.

Dans son édition du 25 mai, Le Monde publiait un article consacré à ces "forçats de l'Info".
On leur a déjà trouvé un surnom : "Les OS de l'info." C'est Bernard Poulet qui a lancé la formule dans son livre choc paru en janvier, La Fin des journaux et l'avenir de l'information (Gallimard). On dit aussi "les journalistes "low cost"", ou encore "les Pakistanais du Web". "Ils sont alignés devant leurs écrans comme des poulets en batterie", constate, effaré, un journaliste de L'Express, en évoquant ses confrères du site Web Lexpress.fr. [...]
"Au niveau social, Internet est une zone de non-droit", assène Sylvain Lapoix, journaliste au site Marianne2.fr, qui envisage de créer une association pour défendre les droits de ses collègues. [...]

Les journalistes du Nouvelobs.com ne sont pas salariés du magazine, mais d'une filiale, IDObs ; ils ne bénéficient pas de la même convention collective que les journalistes du papier, ni de la même grille de salaires. ...Les entorses au droit social de la profession abondent.

Le chercheur Yannick Estienne a publié chez L’Harmattan en janvier 2008, un livre intitulé “Le Journalisme après Internet”. Pour lui, Internet a instauré une rupture dans l’identité même du journalisme en le mettant sous le joug du marketing et des “logiques économiques.
« Peu nombreux, invisibles et inconnus du public, [les journalistes web] disposent de très peu de pouvoir et effectuent souvent un travail, sinon ingrat, du moins peu valorisant.

Les journalistes web n’ont pas conscience de faire partie d’un groupe, et n’ont ni représentant, ni porte-parole, ni organe représentatif. »

Dans Le Monde, Eric Mettout, le rédacteur en chef de Lexpress.fr, modère cependant la critique en expliquant que c'est le lot commun de tous les journalistes qui commencent ainsi à rédiger des brèves ou à guetter les dépêches " le cul posé à côté du téléscripteur."


Rue89 analyse l'article du Monde et souligne plutôt "Une philosophie plus liée à la presse écrite qu'au Net".
Dans un contexte de crise généralisée, il n'est pas étonnant que ces médias aient tenté de produire sur le Net de l'info à bas coût et, inévitablement, de moins bonne qualité.

la plupart des publications papier ont, plus ou moins consciemment, fait le choix de spécialiser leur site sur l'immédiateté et la réécriture de dépêches, gardant pour le « print » la noble matière journalistique.
Arnaud Aubron rajoute que cet aspect des choses n'est pas une fatalité et cite en exemple Mediapart, Bakchich ou Slate.fr qui, comme Rue89, préfèrent travailler le contenu et sacrifier l'immédiateté.


On parle depuis longtemps de la querelle entre journalistes et blogueurs et Marianne2 titrait il y a un an "Journalistes contre blogueurs : la guerre de la toile".

"Journalistes contre blogueurs, c'est un faux débat, qu'entretiennent des journalistes perdus dans leur citadelle et qui se sentent menacés par des gens qui ne leur veulent pas de mal, mais exercent juste un droit de libre correction" affirmait alors Versac dans les médias.


En faisant peser une très forte contrainte-temps sur ses journalistes du web, la presse écrite - qui utilise ses éditions en ligne comme des outils marketing - a elle-même contribué à diminuer le différentiel qualitatif entre ses productions en ligne et celles des blogueurs.

Pire, les titres de presse papier disposant d'un site web draguent désormais ouvertement la blogosphère soit pour augmenter leur notoriété, soit pour enrichir leur contenu par celui des blogs. En plus de leurs pools de salariés, certains titre s'allient à bon compte, le travail et les compétences de blogueurs reconnus.


Désormais, la question du statut ne concerne plus uniquement les journalistes du web, mais aussi les blogueurs dont les billets sont de plus en plus repris ou "commandés".

Il y a peu, Intox2007 publiait un billet dans lequel il expliquait pourquoi il refusait désormais de collaborer à Marianne2. Entre autres raisons, liées au contenu et à la ligne éditoriale, il écrivait : "J'en ai marre de perdre du temps (parfois 3 ou 4 heures) à écrire des billets qui sont repris gratuitement par des entreprises à but lucratif alors que d'autres ont la courtoisie de rémunérer la publication des billets et ne promettent pas de vagues trucs. ".

Son billet a eu le mérite d'ouvrir un débat qui n'est pas encore refermé.

Le temps de la querelle est peut-être déjà dépassé et arrive sans doute celui du regroupement des "revendications" entre des journalistes et des blogueurs, sujets aux conséquences d'une même logique marketing et d'un même vide juridique.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

L'association Djiin, par exemple, ne parle que de journalistes. J'ai clairement demandé à S.Lapoix si la problématique des blogueurs n'était pas liée à celle des journalistes. Réponse : "hors sujet". Merci au revoir.

Cela ressemble un peu à twitter, où les cadors de libé, ne parlent qu'aux cadors du post. etc... (il y a des exceptions et "le beau" Sylvain en fait partie)

Union sacrée, foutaise. On pose un jalon aujourd'hui on en reparle dans 6 mois.

Les journalistes exècrent les blogueurs. Pour des raisons de concurrence et de liberté.
Nous sommes un hochet, une mode. Nous nous en sortirons seuls, ou passerons.

des pas perdus on 29 mai 2009 à 06:44 a dit…

Relire les nouveaux chiens de garde de Halimi...

C'est vrai pour les blogueurs... C'est quand même se payer un contenu un peu de frais en collectant les billets sur la toile...

Marie Laure on 29 mai 2009 à 07:49 a dit…

@Piratages
Je ne suis pas étonnée de la réponse de Sylvain, malheureusement.

Anonyme a dit…

Hypos

J'ai participé à un séminaire. Ronez d'Arte était au pupitre à 5 metres de moi. Il a fait une demo de twitter en direct. Je lui ai envoyé un message sur twitter en direct. Cela aurait pu être marrant. (un clin d'oeil, un blague, un smile,...)

Comme réponse, rien, nada, dédain. Les blogueurs c'est de la fiente.

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