C'est jour de ma chronique Courrier International.
Sauf qu'aujourd'hui, je n'ai pas envie de vous parler de politique - ni de la franco-franchouillarde, ni de celle du reste du monde. Pour cela, vous pouvez aller farfouiller dans les excellents billets de mes camarades de oueb que vous trouvez dans les différentes blogrolls et widgets qui décorent (encombrent ?) cet espace.
Non, non, j'ai choisi de parler de futilités. Enfin, de littérature... Enfin, en un sens.
Pour remettre dans le contexte ce choix, il faut que je vous avoue que, comme une grande partie des gens, je consulte la presse aux toilettes (ce qui est en vérité un endroit de plus en plus adapté étant donné la qualité du travail journalistique dans notre beau pays et le nombre de torche-culs désormais en kiosque). Ce qui fait que je me replonge régulièrement dans les vieux numéros qui jonchent le sol de mes water-closets.
Bref, tout ça pour dire que je tombai ce matin sur un article datant de la fin juin et qui décrivait l'histoire de la collection Harlequin, bien connue des ménagères de plus ou de moins de 50 ans.
Le siège social des éditions Harlequin se trouve à Don Mills, une banlieue de Toronto. Pour s’y rendre, on emprunte une route bordée de maisons modestes et bien tenues, où l’on imagine facilement, derrière les portes closes, des femmes en robe de chambre en train de nettoyer le grille-pain, tout en rêvant d’évasion. On peut aussi projeter dans ces lieux l’image de jeunes livreurs de journaux qui se masturbent en fantasmant sur ces ménagères esseulées. Deux visions fantasmatiques évoquant deux érotismes bien distincts que sont le roman d’amour (pour les femmes) et la pornographie (pour les hommes).
C’est parce qu’il y a très peu de liens entre ces deux univers que chacun d’eux a engendré une industrie de plusieurs milliards de dollars.
Les fantasmes masculins gardent quelque chose d’adolescent : ils reposent sur une sexualité débridée sans lendemain. Le fantasme Harlequin, lui, se focalise sur une relation sexuelle plus sérieuse, qui symbolise une relation émotionnelle durable et souvent la fin des responsabilités financières, quoi qu’en dise la féministe radicale américaine Andrea Dworkin [1946-2005], pour qui le sujet de la littérature sentimentale est “un viol enjolivé par l’échange de regards intenses”.
On y apprend la genèse de cette petite entreprise (130 millions de volumes vendus chaque année dans le monde .. quand même !) qui ne connaît pas la crise (+11.2% de bénéfice en 2008) et que le génial Lawrence Heisey a transformée en usine à bluettes (ou à daube, selon qu'on est friand ou non de cette production livresque).
Heisey a adapté les méthodes de vente des produits de consommation à l’industrie du livre : il a fait réaliser des études de marché concernant les lectrices de romans d’amour ; il a mis plus en relief sur la couverture le nom d’Harlequin pour faire jouer l’effet de marque ; il a mis ses livres en vente dans les rayons des supermarchés ; et il a investi dans des messages publicitaires à la télévision. Il a également mis en place un système d’abonnement avec livraison à domicile garantie, ce qui lui a permis de conquérir les populations rurales, d’éliminer les intermédiaires, de limiter les retours d’invendus et d’obtenir de précieuses informations sur ses lectrices. Lawrence Heisey a également fait des efforts pour proposer des produits mieux adaptés à son public. Alors que l’entreprise s’était jusque-là contentée de rééditer des livres britanniques, il a lancé une nouvelle collection pour y présenter des histoires se déroulant sur le sol américain.
Amusant, et surtout navrant peut-être, de voir jusqu'où est poussée l'industrialisation de l'écriture : 1300 auteurs d'origines les plus diverses mais essentiellement de sexe féminin (Olympe où es-tu ?!!), pacte de confiance (on dirait du Darty), site oueb, règles drastiques et quasi gaguesques encadrant la ponte d'ouvrages, calibrage des dites pontes en séries spéciales et sélection des hommes figurant sur les couvertures en fonction de critères physiques faisant irrémédiablement penser au salon de l'agriculture (Monsieur Goux, on vous demande !).
Lors d’un récent casting effectué à Toronto, plusieurs dizaines d’hommes avaient répondu à l’appel lancé par Harlequin afin de trouver de “vrais héros pour figurer sur ses couvertures”. La société était à la recherche de pompiers, d’agents de police et de secouristes ayant un physique agréable et un âge compris entre 25 et 48 ans. “Après le 11 septembre 2001, explique Katherine Orr, il y a eu une énorme demande d’hommes en uniforme : des hommes maîtres de la situation, qui assument. Vous savez, le côté rassurant.” Presque tous ces “vrais héros” sont des hommes bronzés, aux yeux bleus, à la mâchoire carrée et au sourire hollywoodien. Certains ont la couleur orange foncé caractéristique des adeptes des centres de bronzage. Leurs poils ont été taillés, rasés ou épilés.
Bref, après la lecture de l'article dont je vous passe les détails mais qui mérite le détours, il ne reste rien du charme auquel succombe le lectorat. Lectorat qu'a étudié Janice Radway dans "Lectures à “l’eau de rose” : Femmes, patriarcat et littérature populaire" et qui démontre que "Même si ces romans n’avaient rien de subversif, leur lecture, elle, l’était".
Comme par un fait exprès (c'est incroyable, on est bien peu de chose et les voies du Seigneur sont impénétrables) , en cliquant sur mon wikio préféré ce matin, j'avais découvert un blog qui proposait un concours idéal par ces temps de canicule et de farniente : Vous reprendrez bien un petit Harlequin ?
Le principe en est simple : vous lisez un roman Harlequin (ou deux, ou trois, tout dépend de votre résistance à la guimauve et aux répétitions), dans n'importe quelle collection (et elles sont nombreuses, croyez-moi, il y en a pour tous les (mauvais) goûts) et vous lui consacrez un billet qui mettra en perspective ce roman de manière fascinante. [...]
Vous l'aurez compris, chers happy few, de la poilade avant toute chose, l'essentiel est de se faire plaisir, car après tout, c'est l'été.
A vos Harlequins et à vos plumes amis bloggeurs !
10 commentaires:
Moi je suis fana des collections Passions, les plus chaudes. Chaudes à la mode Harlequin bien sûr... http://www.harlequin.fr/index.php/Collections-sentimentales/Passions.html
Je m'y colle la semaine prochaine si j'ai le temps tiens !
ah, en lisant cet article je m'étais dit que ça ferait un billet intéressant. mais je n'allais quand même pas parler gratuitement de courrier international et casser le marché !
c'est bien que tu l'ais fait.
L'idée du concours me tente, si j'ai un moment pendant les vacances je vais y songer.
Ca ne nous dit pas s'il a suffisamment de scènes de cul pour que ça vaille le coup d'emmener ça en vacances.
Superbe ! Même remarque que Nicolas, mais je doute de la réponse. Je vois de vieilles lire ces trucs dans les jardins publics.
Je trouve inadmissible qu'ils utilisent ma photo sans m'en parler !
:-)
[Harlequin, non !!! Même au soixante-douzième degré, j'aurais du mal. C'est trop calibré ! :-)) ].
@Poireau : elle te va bien la petite robe bleu turquoise :)
@Marie-Laure : tu veux nous tuer ou quoi ?
Un bon roman érotique, ok, mais là !
(bon et pour l'anecdote, je t'ai taguée, désolé...)
@leszom
Je vais tenter de vous trouver une rubrique cul.. Et en plus avec un peu de chance, ça va faire exploser mes visites gogole.
@KaG
Merci, je vais tout de suite voir ça ;)
Y a d'excellents blogs de "cul" (celui de Maïa Mazaurette, par exemple) pour public de tout sexe.
La boucle est bouclée : tu parles d'Harlequin et les mecs parlent de sexe ;)))))
C'est facile de se moquer des collections populaires.
Résistance à la guimauve et aux répétitions ?
C'est écrit en français correct, ce qui n'est pas le cas de la majorité des blogs- qui critiquent Nous Deux ou Harlequin.
Ce n'est probablement pas pire que les téléfilms qui passent sur M6 l'après midi.
La même histoire déclinée à l'infini plus ou moins sympa.
Mais la moquerie ne porte pas sur le coté populaire mais plutôt sur l'aspect cucul de la chose et l'industrialisation d'un "art".
Un peu comme la toile que j'ai dans mon salon peinte à la chaine par je ne sais quel petit indien :p
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