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vendredi 21 août 2009

Renouveau de la démocratie : enjeux et points faibles de la démocratie participative


Pour répondre à Sceptique qui s'interroge sur ma conception de la démocratie dans les commentaires du billet précédant, et parce que le renouveau de la démocratie est la question centrale de mon engagement politique, je reproduis en partie ici un post publié en 2007 sur mon ancien blog.


Définition et historique de la démocratie participative

Selon wikipédia, la démocratie participative recouvre des concepts permettant d’accroître l’implication et la participation des citoyens dans le débat public et la prise de décisions politiques qui s’en suit. La démocratie participative s’inspire de concepts mis en place dès 1960 dans de nombreuses entreprises sur l’organisation et l’amélioration des postes de travail. La démocratie participative st un système mixte dans lequel, le peuple délègue son pouvoir à des représentants charger de proposer et de voter les lois, tout en le conservant (le peuple se saisit lui-même directement de telles questions, via une pétition….ou une interactivité sous forme de débats de proximité).

Déjà Rousseau, publiant " " Du Contrat Social ", défend cette idée en 1761.

A la même époque, la " démocratie participative " existe déjà dans les équipages de pirates de nature " anti-autoritaire " : " Chaque équipage fonctionnait sous les termes d’articles écrits, adoptés par l’intégralité de l’équipage et signé par chacun de ses membres ". " Les équipages de pirates Euro-américains formaient réellement une communauté basée sur des coutumes partagées sur tous les navires. Les concepts de Liberté, Egalité et de Fraternité, se sont développés en mer près de cent ans avant la Révolution Française ".

L’expérience de Démocratie Participative la plus connue est bien entendu le budget participatif de certaines villes brésiliennes, notamment Porto Alegre, gérées par des coalitions de gauche.

La notion de démocratie participative n’est pas apparue en France sous l’impulsion de Ségolène Royal et du Parti Socialiste lors des dernières présidentielles : c’est un concept testé depuis plusieurs années dans la plupart des organisation de gauche et c’est dans les témoignages issus de leurs rangs qu’il faut aller chercher les facteurs de succès et les pièges à éviter.


Analyse critique des pratiques de démocratie participative

En mai 2006, au cours des premières rencontres de la coopération internationale décentralisée franco-brésiliennes, la fondation Charles Léopold Mayer organise une table ronde qui rassemble, outre Pino Zalewsky de la ville de Porto Alegre et Fernando Pimental, maire de Belo Horizonte, des personnalités socialistes, communistes et inter mondialistes pratiquant la démocratie participative. La rencontre met en évidence un certain nombre de points relatifs à ces pratiques.

Voici quelques extraits de leur rapport et de leurs conclusions :

La démocratie n’est pas une mode, elle débouche vite sur des réflexions de fond relatives à la pratique politique, au partage du pouvoir, à la gouvernance et à la démocratie elle-même.

" On est loin d’un gadget et de solutions toutes faites que l’on se passerait d’une collectivité locale à l’autre ou d’un pays à l’autre…Ce qui est au cœur des réflexions, c’est tout bonnement le renouveau du politique "

C’est un vaste mouvement qui est en route et il est devenu incontournable

" Le mouvement d’abord est en route . ce qui signifie que les uns et les autres peuvent, au travers l’échange, asseoir leur réflexions sur des pratiques concrètes. Il est , en outre, incontournable tout simplement parce que la crise de la démocratie est partout "

Le vocable de " démocratie participative " recouvre une grande variétés d’approches.

" La ville de Lille insiste sur la différence entre information, consultation et participation ; les ateliers citoyens de la région Rhône-Alpes sont proches de ce que l’on pourrait appeler la démocratie délibérative : elle mobilise des groupes de citoyens relativement restreints qui tentent de construire ensemble un avis informé et si possible consensuel sur des questions complexes ; la pratique de la ville de Brou sur Chanteraine pourrait être qualifiée de co-construction de projet public, ; les conseils populaires brésiliens dans des domaines comme l’éducation et la santé s’apparentent plutôt à une cogestion corporatiste des politiques publiques.

La démocratie participative est en réalité une stratégie de changement tant du coté des instances publiques que du coté des citoyens.

" Tous ont souligné qu’il s’agissait avant tout d’un changement d’attitude aussi bien du coté des élus et des administrations que du coté des citoyens. Tous ont montré des apprentissages en marche. ..Nombreux sont les intervenants qui ont souligné l’importance des processus de formation. Certains mêmes ont parlé de formations des élus "

Une véritable démocratie participative appelle des méthodes et outils rigoureux, un changement des organisations publiques

" Tous les participants qui avaient une expérience pratique de ces questions ont souligné l’importance des méthodes. Le renouveau politique ne se nourrit pas seulement de bonnes intentions, il appelle des méthodologies nouvelles "

Une authentique démarche participative part des gens eux-mêmes et non des institutions publiques.

" Les besoins des habitants sont totalement transversaux à différents secteurs. Partir des dynamiques, des besoins et des rythmes des habitants constitue le levier d’une mutation radicale de l’organisation et de la mentalité des pouvoirs publics locaux "

Les démarches participatives, en développant le capital social, créent de la richesse.

" La plupart des participants ont souligné l’importance de l’impact des démarches entreprises tant pour le développement du capital social des habitants que celui des collectivités territoriales "

La mise en cause radicale des modes d’organisation des collectivités territoriales.

" Il n’est pas possible de plaquer de véritables approches de démocratie participative sur des systèmes institutionnels inchangés et cala vaut pour tous les aspects des institutions : le mode d’organisation lui-même, le rapport au pouvoir, les cultures administratives et politiques "

La subsistance d’importants angles morts dans les dynamiques en cours.

Premier angle mort : la plupart des villes qui s’étaient engagées dans des procédures de type " budget participatif " ont vu l’équipe au pouvoir battue aux élections suivantes. Ce qui posent deux questions également importantes : la popularité réelle de ces méthodes et la continuité nécessaire de l’apprentissage d’une nouvelle manière de gérer le bien commun

Second angle mort : la portée réelle de ces démarches et la capacité à les faire contribuer à la production du bien commun au delà de l’échelle micro-locale

Troisième angle mort : la possibilité d’inclure réellement toute la population à ces démarches. Tous les intervenants ont posé la question sous une forme ou sous une autre. Qui participe réellement aux assemblées citoyennes ? qui y prend la parole ? qui est en mesure de faire prévaloir son point de vue ? où sont les plus pauvres ? les jeunes participent-ils ?


Analyse critique des méthodes d'animation de la démocratie participative

Dans son article, " Candidature unitaire, consensus et démocratie " paru le 27 décembre 2006, Robert JOUMART s’interroge : " Les collectifs pour des candidatures antilibérales unitaires n’ont pas réussi, pour le moment, à se mettre d’accord sur leur candidat aux prochaines présidentielles. C’est l’échec du rassemblement, voire d’une méthode, le consensus. Mais la méthode était-elle vraiment celle du consensus et du dépassement de la démocratie participative ? "

Analysant le processus suivi, il met en évidence les dysfonctionnements qui ont entravé une véritable démarche de démocratie participative :

La méthode du consensus comporte cependant des exigences incontournables : d’une part que les participants soient de bonne foi et soient d’accord sur l’essentiel, et notamment sur les valeurs et l’objectif, d’autre part que chaque avis, chaque proposition soit expliqué et analysé publiquement, enfin que l’on prenne le temps nécessaire au débat.

La méthode a été par de nombreux côtés obscure : les collectifs locaux ont été appelés à exprimer leur préférence, mais aucune méthode précise n’a été suggérée, aucun débat lancé sur ce point.

Dès le 10 septembre, il a été proposé aux collectifs de discuter des critères de choix du candidat à la présidentielle plutôt que des candidats eux-mêmes : ce fut une excellente décision afin de dépassionner les débats et de discuter sérieusement des qualités des uns et des autres.

Ces critères sont bien évidemment contradictoires, ce qui fait la richesse et la difficulté du choix, et ne peuvent être réduits à l’un d’entre eux. Les critères n’ont pas circulé entre collectifs et le Collectif national n’en a produit aucune synthèse, si ce n’est une liste de critères si peu discriminants qu’ils n’étaient d’aucune utilité…. car les organisations se pensent d’abord comme des organisations concurrentes les unes des autres, même au sein d’un collectif.

Des éléments importants du débat ont été cachés pendant plusieurs mois par le Collectif national… personne du Collectif national n’a pris la peine de faire un courrier clair, net, compréhensible et lisible pour les modestes militants des collectifs locaux qui l’ignoraient totalement.

Du point de vue de la démocratie, la pierre angulaire du consensus est le pouvoir donné à chacun de refuser un projet de décision s’il lui apparaît inacceptable, c’est-à-dire le droit de veto… son extension à des milliers de militants signifie soit des discussions sans fin, soit l’absence de décision et donc la dictature de l’individu. Le choix de ceux qui ont droit de veto et la manière dont ils définissent leur position sont, là encore du point de vue de la démocratie, essentiels. On ne peut donc faire l’économie d’une réflexion sur la légitimité de chacun des collectifs, organisations, tendances ou personnalités à avoir droit de veto, c’est-à-dire à participer au consensus.

La manière dont chaque organisation définit sa position doit aussi être analysée de près. Il n’est pas indifférent que cette position soit issue d’un vote auprès des membres de cette organisation ou acquise à l’issue de discussions entre les seuls dirigeants de l’organisation. "


Ainsi, malgré un processus qui se voulait démocratique et participatif, R.Joumart conclue " Les militants antilibéraux de base se retrouvent paradoxalement dans une situation analogue à celle qu’ils ont connue face au projet de constitution : l’impression que les jeux sont faits sans eux, que des élites, européennes dans un cas, antilibérales dans l’autre, ont cherché à décider à leur place ".


On comprend bien à la lecture de ces exemples que la démocratie participative nécessite une approche construite et réfléchie sous peine de conduire à l’échec, et pire encore, à la démobilisation citoyenne. Cette approche méthodique existe et l'on peut regretter que les organisations politiques qui souhaitent encourager la participation ne renforcent pas leurs compétences dans ce domaine avant de lancer les débats.


5 commentaires:

detoutderien on 22 août 2009 à 21:12 a dit…

ah oui c'est sûr que c'est pas facile la démocratie participative, faut pas non plus que ça devienne un cache-sexe mal foutu

Sceptique on 23 août 2009 à 09:52 a dit…

Je vous remercie, hypos, de la clarification que vous avez publiée en réponse à ma question.
Il m'est, maintenant, évident, que, ne partant pas de la même référence, nos conceptions sont différentes. Je ne suis absolument pas "rousseauiste"(l'homme est naturellement bon, et il est altéré par la société). Ma vision de l'homme est celle qui est la plus consensuelle, voire, universelle, puisque elle est véhiculée par tous les mythes fondateurs que je connais.
En raison de ce lourd handicap, la démocratie telle que nous la pratiquons, en tout cas, en Occident, est déjà extraordinaire.
Mon expérience de la "démocratie participative", en Mai 1968, m'a montré ses limites. La foire se transforme en foire d'empoigne, les "modérateurs" veillent jalousement sur leurs propres intérêts, et font tout pour avoir le dernier mot. Avec succès, dès cette première expérience en grandeur nature.
La manipulation des foules est un savoir faire qui n'a rien à voir avec l'angélisme de Rousseau. Ses spécialistes sont formés et efficaces. Dans le monde communiste, la démocratie "participative"(obligatoire) a toujours préservé le parti dirigeant.
J'ai trouvé sympathique l'utilisation de la démocratie participative par la candidate Ségolène Royal, mais elle ne s'est pas étendue sur ce qui en sortait. Sa compétence d'énarque et de femme politique expérimentée lui était plus utile.
De nos jours, nous disposons de deux champs d'expérimentation: les "révoltes" qui surviennent aux divers niveaux de l'Éducation Nationale et de l'Université, les méthodes fascistes d'intimidation qui imposent UN point de vue contre tous les autres, l'enlisement des conflits dont il ne sort finalement rien. Un gros pansement de vrais-faux diplômes ou examens sur l'année perdue, et on compte que les programmes non traités seront recouverts par le travail des années suivantes. Sur Google, on trouve de quoi boucher les trous!
le deuxième est constitué par les méthodes traditionnelles des partis politiques en campagne: réunions avec les élus, tractages, affichages, débats télévisés de tous niveaux avec des journalistes. L'offre de programmes est surabondante. Les promesses n'engagent toujours que ceux qui y croient.
En conclure que les électeurs sont forcément floués est court. D'abord, ils ont la sagesse de douter de ce qu'on leur dit. Ensuite, après leur avoir délégué "leur" pouvoir, ils jugent leurs élus "sur pièces". Les majorités fluctuent en fonction des réalités sur le terrain. Les élus ont une obligation de résultats. Il ne leur suffit pas de les enjoliver avec leurs beaux discours.
On peut trouver beaucoup de défauts à ce système. C'est le pire à l'exclusion de tous les autres a observé Winston Churchill.

Marie Laure on 23 août 2009 à 12:08 a dit…

@Sceptique
Je ne suis pas angélique et ne crois pas en la nature foncièrement bonne de l'être humain. Je suis juste une technicienne qui sait que , sans méthodologie précise, le plus motivé des groupe n'arrive qu'à produire de la bouse.

@Gaêl
Voui, dans ce cas là, ça s'appelle de la démagogie .. beurk !

Anonyme a dit…

Sur le plan des pratiques concrètes, on peut néanmoins avoir des doutes. Un exemple à partir de l'utilisation (voire l'instrumentalisation) de la "démocratie participative" dans la "gouvernance" du développement durable : http://yannickrumpala.wordpress.com/2008/11/30/le-%c2%ab-developpement-durable-%c2%bb-appelle-t-il-davantage-de-democratie/

Unknown on 17 avril 2013 à 12:35 a dit…

j'aime ce que vous faites !!!et merci pour ce magnifique partage !!!
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