
Ah, il faut quand même que je réponde à la chaîne lancée par Sarkofrance et à laquelle quelques left-blogueurs m'ont conviée ! Cela me semble d'ailleurs un bon préalable avant de me lâcher à dégoiser sur ceux qui la représentent aujourd'hui.
Avant de répondre à la question "qu'est-ce qu'être de gauche ?" , j'ai fait le tour des billets sur le sujet, en me disant que j'allais peut-être, du coup, pouvoir y glaner des idées. Oh là ! C'est un vrai catalogue de propositions que j'ai trouvé et s'il m'avait fallu reprendre toutes celles qui me séduisaient, il y aurait eu 10 pages de copier-coller.
Pour résumer ma pensée, je préfère dire que pour moi, être de gauche, c'est tendre vers une plus grande égalité des chances entre les individus et promouvoir la liberté de penser et d'agir.
Et pour se faire, il me semble que les quatre points essentiels sont l'éducation, la citoyenneté, la tolérance et la protection des plus faibles.
Un système éducatif "de gauche" devrait permette l'émergence des talents individuels et de l'esprit critique.
C'est tout le contraire du système scolaire que le gouvernement tente de mettre en place.
Pour moi, l'école devrait être le lieu privilégié pour apprendre l'échange, l'autonomie, la tolérance et l'estime de soi et si je pose en premier le sujet de l'éducation, c'est qu'à mon avis, il influence une grande partie du reste.
Les cursus, tels qu'ils sont établis aujourd'hui, ne mettent en exergue que la capacité d'apprendre par cœur et de restituer une sorte de "pensée unique". Ceux qui n'ont pas ce "talent" se trouvent irrémédiablement écartés vers des sections professionnelles sous-estimées puisque ne correspondant pas aux critères classiques de "réussite".
Je n'arrive pas bien à comprendre pour quelles raisons ce que nous apprenons à faire en pédagogie pour adultes n'est pas appliqué plus souvent au sein de l'Éducation nationale hormis par certains professeurs qui prennent eux-mêmes l'initiative de pratiquer autrement que sous forme magistrale.
J'ai bien conscience que les fondamentaux nécessitent du "par coeur" mais la relation maitre-élève, instaurée dès le plus jeune âge, a pour conséquence de formater les individus, d'en faire immédiatement des "bons" ou des "mauvais" élèves sur la base de quelques critères très réducteurs.
Tant que le "savoir" sera priorisé, je ne vois pas bien comment nous arriverons à une société permettant à tous d'avoir une égalité de chances. D'autant plus que l'on s'aperçoit tous les jours que des compétences diverses, telles que le savoir-faire relationnel ou l'habileté manuelle ou artistique, sont aussi des gages de réussite dans de nombreux domaines.
La priorité d'un gouvernement de gauche serait pour moi de revoir l'ensemble du système éducatif que ce soit en terme de programme, de pédagogie ou de moyens.
Une politique de gauche devrait promouvoir la citoyenneté et la démocratie.
A ce sujet, j'ai vu des choses très intéressantes chez Donjipez et je vous invite à aller les lire puisque je ne vais pas recopier ici tout ce qu'il note dans son paragraphe dédié aux institutions.
Plus globalement, je pense que les citoyens ne seront libres et égaux en droit que si la parole leur est ouverte, s'ils peuvent contrôler l'action de leurs élus, si de réels contre-pouvoirs existent. C'est pourquoi le système politique actuel, phagocyté par des élites sourdes, réveille sans arrêt ma colère.
Être de gauche pour moi, ce n'est pas non plus tomber dans le paternalisme protecteur et bienveillant qui, tout autant qu'un gouvernement autocratique, prend le citoyen pour un gamin à qui l'on va montrer la voie "pour son bien" comme s'il était incapable de réfléchir et de s'auto-déterminer.
Pour cela, je ne peux aujourd'hui adhérer à aucun parti de la gauche car aucun ne me paraît exemplaire en matière de démocratie, ni dans les fonctionnements internes, ni dans les projets de société qu'ils proposent.
Une société de gauche, c'est aussi pour moi une société de tolérance.
Si on considère que chacun est l'égal de son voisin, je ne vois pas ce qui autorise de juger ses choix personnels et encore moins de les interdire.
Je suis tout autant pour le mariage gay que pour l'adoption par des couples homosexuels, je ne vois aucun inconvénient à ce que chacun pratique la religion qu''il souhaite, croit en ce qu'il veut ou à rien, fume du shit ou pas, boive comme un trou ou se crame les poumons à la marlboro ... tant qu'il ne gêne pas son voisin de pallier. Je ne stigmatise pas plus ceux qui ont choisi le fonctionnariat que ceux qui préfèrent la libre-entreprise. Je trouve lamentable toutes les sortes de ghettos, que ce soit les ghettos dogmatiques ou les ghettos sociaux.
A ce propos d'ailleurs, il me semble qu'une politique de gauche devrait encourager au maximum la mixité sociale et culturelle : cela permettrait probablement de faire des citoyens plus ouverts à la différence. L'abandon de la carte scolaire, habilement présentée comme défendant cette mixité, n'est qu'une fumisterie de plus. D'autres solutions peuvent être proposées, bien plus efficaces. De la même manière, la loi SRU - qui pouvait faire croire à une volonté réelle de mixité, n'est qu'un joli cache-sexe quand on sait que les pénalités sont ridicules. Enfin, encourager la mixité, c'est aussi accepter que les étrangers puissent voter aux élections locales au même titre que les français ou les européens.
Être de gauche, c'est bien entendu défendre une société plus équitable qui veille à protéger les plus faibles.
Et c'est peut être là aussi que certains aspects m'opposent à d'autres left-blogueurs car, si je trouve certaines inégalités insupportables, je pense par ailleurs que l'égalité en toute chose n'est ni possible ni même souhaitable sans doute.
Cela dit, les passe-droits et les vertigineuses rétributions dont bénéficient certaines "castes" me hérissent le poil quand on sait par ailleurs que d'autres se retrouvent sur la paille. Et les gesticulations de Sarkozy au G20 n'y changeront rien puisque lui-même a amplifié par ses choix une situation déjà insupportable.
Etre de gauche pour moi, c'est faire en sorte que l'Etat régule les domaines qui creusent ces inégalités. En vrac, ce peut être tout ce qui a trait à l'accès à l'éducation, au logement, aux services publics tels que la poste, à l'énergie ou la santé, tout ce qui est du domaine du droit du travail et de la protection sociale, tout ce qui touche à la justice.
J'ai lu de nombreuses propositions chez ceux qui se sont prêtés au jeu de cette chaîne. Beaucoup sont très pertinentes et j'y adhère en général, sauf que pour moi, l'Etat n'est là que pour poser les garde-fous nécessaires et les lois-cadres et non pour faire de l'ingérence permanente partout. Je préférerais que les modalités de mise en application soient déléguées aux Régions par exemple, avec en parallèle une meilleure implication des citoyens au niveau local et dans les entreprises.
Au final, je ne suis pas certaine que ces quelques idées jetées rapidement sur ce blog aident à définir si je suis de gauche ou non. J'ai le sentiment d'être une fois de plus dans le no-man's land politique.
Une sorte d'objet citoyen non identifié positionné entre humanisme, socialisme et libéralisme... Et comme je ne connais pas mes classiques, je suis bien incapable de dire à quelle conception théorique pourraient bien se référer mes points de vue :-)
Du coup, je propose à Falconhill (qui n'est pas de gauche) de répondre à ce tag, et aussi à Nick-Carraway (qui n'est pas non plus gauchiste) et à Mancioday (qui est Villepiniste) de prendre la relève sur cette question "qu'est-ce être de gauche ?" :-))
Dessin tiré du dossier spécial Politis
9 commentaires:
Ouf j'ai échappé encore :-) [merci de ne pas me lier]
Mais ton billet est très intéressant ... tout comme ton "ne pas" être de gauche.
Le no-man's land ...
Il y en a qu'il l'appellent un espace politique en quête de structuration ;-)
Eh bien, si avec tout ça, vous n'êtes toujours pas de gazuche, je cours me pendre, moi !
Je suppose que je ne vous suprendrai pas en vous disant que votre billet est, à mes yeux, un véritable "catalogue des erreurs" ? (Des "errements" serait d'ailleurs plus juste, plus conforme à ce que je pense.)
J'aime bien ces principes de manière générale. Cela ressemble un peu à la "3ème voie", non?
Je ne sais pas où cela se situe sur l'échiquier politique français, d'ailleurs peu importe ce n'est qu'une étiquette... et les étiquettes cela empêche le dialogue...
Cela dit pour répondre au titre du billet, je dirais... "ça dépend du pays" (centre-gauche ou au centre/centre-droit c'est selon et en France peut-être un non-man's land)
Je vais trouver du temps pour répondre cette semaine.
Je ne lis pas ce tag de peur qu'un jour il me tombe sur la figure.
1) Je ne veux pas être influencé.
2) Je ne veux pas être de gauche.
3) Je ne veux pas devenir de gauche.
4) Je ne voudrais pas avoir été de gauche.
5) Et pourtant je suis sûr de me tromper.
Pour savoir ce qu'est être de gauche, il suffit de lire Jean Jaurès et de piocher dedans. Tout ce qu'il a écrit et dit est valable aujourd'hui sans même déplacer une virgule. Sauf que aujourd'hui tout va plus vite et plus fort avec un nouveau venu qui s'appelle mondialisation à outrance, mais la voracité à vouloir gagner du fric à n'importe quel prix sans aucune considération humaine n'a pas bougé d'un iota.
Plus proche de nous le livre de Ségolène Royal "Si la gauche veut des idées"
Il n'y a pas de doute, votre copie mérite une bonne note, vous êtes reçue à l'examen.
Reste à savoir deux choses: la Gauche est-elle bien de gauche? La nature humaine l'est-elle? Pas l'impression!
Bonjour,
Après une lecture rapide, "de gauche" pourrait être remplacé dans tout le billet par "de droite libérale", et des libéraux de droite pur jus n'y trouveraient rien à redire (il faudrait qu'ils viennent pour le confirmer, ceci dit !). Ce n'est pas une critique, bien au contraire.
"Je n'arrive pas bien à comprendre pour quelles raisons ce que nous apprenons à faire en pédagogie pour adultes n'est pas appliqué plus souvent au sein de l'Éducation nationale hormis par certains professeurs qui prennent eux-mêmes l'initiative de pratiquer autrement que sous forme magistrale."
C'est ce que - pour simplifier - les IUFM prônent depuis trois décennies : pédagogie centrée sur l'apprenant, personnalisée, etc. Si ça n'est pas appliqué plus souvent, c'est parce que, à ma connaissance, on n'a jamais prouvé que ça marchait mieux (en apprentissages réalisés par euro dépensé) que l'enseignement de masse sur programme homogène. L'invention de celui-ci (par Jean-Baptiste de la Salle, je crois http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_de_La_Salle ) avait d'ailleurs permis un énorme gain de productivité, et en fin de compte rendu possible l'obligation scolaire.
Je crois bien sûr que de très grands progrès sont possibles dans l'enseignement en France. Mais la formation pour adultes n'est qu'une parmi beaucoup de sources d'inspiration.
Une des raisons de cette différence de résultats me semble être l'attitude des apprenants. Les adultes en formation sont là parce qu'ils se sont battus pour l'obtenir, et souhaitent apprendre le plus possible dans un temps limité. Les préadolescents et adolescents sont là par obligation, des semaines et des années durant, et attendent récréation et vacances. Les intéresser est un défi, garder le calme et la discipline est un combat, les deux à la fois est un exploit (ceci dit avec mes compliments à mon enseignante de femme !).
Merci pour tous ces articles je vais me pencher sérieusement dessus!
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